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Première petite ville russe, Kyakhta et l’ambiance n’est plus celle de Mongolie, les architectures non plus.

La neige tombant à petits flocons rend la route glissante et les campements plus humides et plus froids.

Mais les pneus Schwalbe tiennent pas mal !
Mais les pneus Schwalbe tiennent pas mal !

Les moins 10 degrés de la journée ne nous réchauffent pas des moins 20 de la nuit. Nous sommes à l’affût des rares bistrots pour routiers. Il est 10h du mat, on y boit le thé. Trois hommes fort bâtis, chefs d’entreprise s’installent à nos côtés, posent sur la table le litre de vodka qu’ils portaient sous le bras et le boivent aussi vite que leur « bortsch » (soupe russe à base de chou rouge, betteraves et viandes, servie avec de la crème aigre).

Visibilité parfaite
Visibilité parfaite

Bivouac bien frais
Bivouac bien frais

Les grosses neiges peuvent venir d’un jour à l’autre. Cette incertitude climatique nous arrête à Ulan Ude, petite ville sympathique, capitale de la République de Bouriatie, beaucoup d’anciennes maisons de bois aux architectures typiques habitées par une majorité bouddhiste aux faciès mongoles.

Ville de Ulan Ude
Ville de Ulan Ude

Ville de Ulan Ude
Ville de Ulan Ude

Nous n'aurons pas froid à la tête
Nous n'aurons pas froid à la tête

Nous pourrions passer l’hiver ici mais nos visas sont trop courts. On décide de rentrer en Europe par le transsibérien (dont on rêvait depuis longtemps) pour visiter la famille et les amis qui nous attendent. Nous devons stocker nos vélos en lieu sûr. Il nous faut alors deux jours pour croiser Olga qui parle anglais, jeune fille bouriate charmante.
Son oncle peut enfouir nos vélos 3 mois dans une fosse à vidange, au fond d’un garage.
Nous pensions revenir fin mars mais divers événements, changement de locataire, réfection de peinture, opération chirurgicale de Christine, etc. changent nos plans. Nous avons passé du bon temps en Europe, présenté quelques diaporamas et pris quelques kilos !
Retour à nouveau en transsibérien mi-juin, on retrouve alors Olga ravie de nous revoir,

ainsi que nos vélos et tous nos bagages, c’est la fête pour un re-départ !

La joie des retrouvailles !
La joie des retrouvailles !

Info pour les routards fauchés : pour se loger en ville, on utilise deux sites
www.hospitalityclub.org et www.couchsurfing.com qui regroupent toutes les personnes du monde acceptant de vous loger gratuitement. Le nombre d’inscrits est impressionnant et surtout la mentalité excellente. Nous sommes donc ainsi logés chez Larisa, jeune ingénieure sportive et passionnée par le vélo. Nous baignons d’emblée dans la vraie vie russe. En échange, Larisa teste le vélo de Christine sous le regard souriant de ses trois voisines.

Ravies aujourd'hui d'avoir du spectacle
Ravies aujourd'hui d'avoir du spectacle

Malgré le manque d’infos, nous décidons de ne pas partir directement à l’Est sur Vladivostok et le Japon, mais d’aller à Irkutsk 600 km à l’ouest puis rejoindre la voie ferrée de la BAM qui traverse la Sibérie sur 3’000km et arriver sur l’île de Sakhaline puis ferry pour Japon. En attendant, Anya rencontrée dans le train nous invite au repos 2 jours dans sa datcha, maison de campagne russe, souvent proche de leur ville de travail. Les Russes aiment y passer leur week-end et y loger tout l’été.

La datcha est rudimentaire et le plus souvent en bois. Auparavant, elle appartenait à l’état, aujourd’hui les locataires sont devenus propriétaires avec de petits emprunts. Chacun est fier de son jardin qu’il cultive soigneusement pour se parer du long hiver, légumes, arbres fruitiers, baies diverses et fleurs pour créer l’ambiance. Leur surplus de production est revendu au marché ou en bordure de route. Les datchas groupées forment donc ensemble une sorte de vieux village de bois noyé dans les jardins. La datcha est un des symboles de la Russie et c’est ici que nous avons ressenti pour la 1ère fois leur culture.

Relax, juste à discuter !
Relax, juste à discuter !

Ce lieu est souvent l’échappatoire de leur vie en immeuble glauque de l’héritage soviétique communiste (qu’ils aménagent d’ailleurs à l’intérieur de manière assez douillette)
Une autre petite maison de bois au fond du jardin, ce n’est pas pour y ranger les outils. C’est un banya, une autre tradition depuis des siècles, si importante que l’on ne peut prétendre avoir visité la Russie, sans y être entré.

Le banya au fond du jardin
Le banya au fond du jardin

Le banya, c’est un peu notre sauna et salle de bain à la fois. Un poêle au centre d’une petite pièce en bois. Le feu est ardent et la température peut monter très haut. Pour le parfum, on met dans les flammes quelques feuilles d’eucalyptus ou huile de pins et écorce de bouleau. Sur le feu, une bassine d’eau pour la vapeur dans laquelle trempe une sorte de petit ballet fait de jeunes branchages feuillus de bouleau.
Vous entrez nu, seul ou accompagné, prendre votre bain de vapeur. Quand votre peau se détend, prenez un petit ballet ramolli et adouci par l’eau bouillante puis fouettez votre beau corps et celui de votre voisine ou vos voisins. L’effet peut être douloureux, il fait partie des traditions (discutée dans son image sado-maso), puis décrassez-vous (surtout quand on a bien pédalé) et sortez prendre un bain froid dans le ruisseau du coin et boire une bière pour discuter 5mn. Ce n’est pas fini, répétez tout le processus plusieurs fois, cela peut durer deux heures, voir l’après midi. On en a profité autant que possible :-)
Plus tard on voit même sur une plage, à côté d’une tente de vacanciers, un banya improvisé avec planches et plastiques.

Malheureusement, les banyas publics dans les villes n’ont plus exactement cette authenticité.

Nous continuons notre route sur Irkutsk et apercevons pour la première fois le lac Baïkal.
Unique au monde par sa profondeur (1 620m), il occupe un fossé d'effondrement et constitue la plus grande réserve d'eau douce existante. Le lac s’étire sur 636 km et ses eaux chimiquement très pures sont alimentées par 336 rivières. Le lac Baïkal est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. La flore et la faune comportent un grand nombre d'espèces endémiques.
Que de la taïga tout autour, et aucune route connectant le sud au nord, mais le lac est gelé six mois par an et une route est alors ouverte. Il y a quelques années, les chemins de fer posaient des rails sur la glace et la ligne fonctionnait jusqu’au printemps.

Le sud du lac
Le sud du lac

Une eau parfaitement claire
Une eau parfaitement claire

Petite pensée pour mes amis musiciens, lors de notre retour en Europe, j’ai acheté une guitare américaine conçue pour voyageurs, petite, solide et un son excellent. Je vais enfin rejouer, et puis dans un tel décor sauvage, c’est un vrai bonheur.

Guitare acoustique Martin backpacker
Guitare acoustique Martin backpacker

Cela nous permet aussi d’éviter de parler russe aux campeurs sur les plages du lac alors on joue ensemble toute la soirée en chantant et buvant ... la vodka forcément !

Tard dans la nuit, laquelle des deux tient l’autre ?

Le lendemain, impossible de partir, la tête nous fait trop mal, et notre équilibre est flottant devant un lac aussi mouvementé que nous !

Mieux qu'un Van Gogh
Mieux qu'un Van Gogh

Le poisson « amoul » est séché, fumé et vendu le long des routes. Entre la truite et le saumon fumé, c’est un vrai régal, Christine en mange même au petit-déjeuner.

Malheureusement la route s’éloigne du lac, on le perd de vue sur 300 km. Il faudrait venir ici avec un kayak. On se dirige cette fois plein nord avec une pause à Irkutsk. Maisons modernes, maisons traditionnelles et usine nucléaire au centre ville se côtoient. C’est une ville calme, agréable et détendue. Nous roulons vers l’île d’Olkhon à 300km, à mi-longueur du lac, accessible en ferry. Il y a des petits lacs partout pour des bivouacs supers.

On y rencontre Karen et Jonathan, deux australiens cyclotouristes. Nous passons 9 jours ensemble avec de bons moments de pédalage, baignade, guitare et rigolade.

Avec une nuée de moustiques voraces
Avec une nuée de moustiques voraces

La forêt disparaît peu à peu pour laisser place à de grands espaces verts fleuris. Il n’y a d’ailleurs pas que la forêt qui disparaît, l’asphalte aussi.

Lac Baïkal de nouveau en vue, quelques photos :

Nous restons 10 jours sur cette île vraiment belle, durant lesquels nous essayons de nous renseigner sur la BAM (ligne de chemin de fer à caractère stratégique et économique qui relie la Sibérie orientale à la côte pacifique selon un tracé plus septentrional que la ligne transsibérienne, trop proche de la frontière avec la Chine).
Pour ouvrir cette ligne, une piste a été créée pour les travailleurs. Environ 3'000 km, non asphaltée et tout juste damée, elle longe de près la voie ferrée. Les Russes ne semblent pas croire qu’il est possible de la faire à vélo puisque même à voiture, ils n’iraient pas, certains passages ne sont possibles qu’avec de gros camions 4x4. La piste sera boueuse et bien souvent inondée, formant des lacs plus ou moins profonds et les nombreuses rivières sont enjambées par d’innombrables ponts de chemin de fer. Peu de villages pour se ravitailler et pire que cela... beaucoup d’ours pas forcément gentils, surtout agressifs en août pour protéger leurs petits. Ils n’aiment pas être surpris, aussi nous avons une clochette sur un vélo. Nous ne sommes pas du tout rassurés ni encouragés, pourtant certains ont entendu dire qu’un Tchèque l’aurait fait. Nous entendons mille versions mais dans tous les cas, les Russes n’y campent pas !
Dans le village de Kushyr, on nous présente Victor qui a travaillé dans la taïga de longues années et rencontré plusieurs centaines d’ours. Ses histoires sont sans fin, parfois drôles, parfois inquiétantes, plutôt rassurantes dans l’ensemble mais nous savons qu’il rarement seul, toujours avec des collègues et un chien, ainsi que des machines bruyantes, etc.
Quelques morts et pas mal d’accidents sont répertoriés chaque année. Cette route est une expédition et nous avons maintenant le sentiment de ne pas être suffisamment préparé, on verra bien !

Village de Kushyr
Village de Kushyr

Petite corruption en Russie ?
Un seul bateau avec la compagnie « Kometa » pour quitter l’île et monter au nord à Severobaïkalsk en 5h (je répète, pas de route le long du lac). Le bureau qui vent les billets nous demande 160 euros plus le surplus de poids de 450 euros pour les deux, soit 610 euros. On estime que c’est exagéré, on ne prend pas de billet, nous allons directement au quai et discuterons sur place. Un sourire à l’arrivée du bateau et sans rien demander, un membre de l’équipage me dit : «Voulez-vous des billets ou pas de billet ?» Pas de billet, dis-je, nous ne sommes pas remboursés. Il répond : « Alors ce sera 60 euros chacun ». Ok, dis-je, mais avec les vélos et bagages ! Ok, répond-il. Et voilà, le tout est vendu pour 120 euros dans sa poche, au lieu des 610.

Et encore l’occasion d’admirer le lac et pour Christine de se croire en vacances.

Côte ouest
Côte ouest

Un dernier regard sur le lac, un chauffeur de taxi s’arrête et offre à Christine un poisson séché qu’il installe sur son guidon.

217 km en deux jours sur des graviers avec pour seul décor, une piste devant et les bois tout autour. C’est d’emblée assez monotone, surtout que la végétation de la taïga n’est pas très variée et assez pauvre. En effet, la taïga est formée d'épicéas, de sapins et de mélèzes de Sibérie, auxquels se mêlent principalement des bouleaux. Un sol trop imperméable, pauvre en éléments nutritifs, gelé une partie de l'année, la brièveté de l'été font d'elle une formation discontinue (clairières) et au sous-bois pauvre (mousses, airelles). Mais rouler sans fin dans cet espace sauvage a quelques choses d’excitant... hormis cette légère crainte de l’ours omniprésente. Sans les voir, on sait qu’ils sont là !

Quant aux célèbres moustiques de Sibérie, eux on les voit. Gros comme la mouche, lents comme le bourdon, mous comme des cuisses de non sportifs. Leur dard long d’un bon centimètre cherche dans toutes les directions et vous piquerait au travers d’une veste en cuir. Ca anime les piques-niques...

Puis l’incroyable peut arriver ! Après 107 km de piste on trouve par hasard un ensemble de bungalows avec piscine d’eau chaude sulfureuse, en pleine forêt, sans indication.

On sent très nettement la nature gigantesque. Evidemment, la seule région de Sibérie est environ 25 fois la superficie de la France avec ses 13 million de km2. Et nous ne sommes qu’à l’entrée.

Le relief et le paysage sont toujours aussi monotones. Ce n’est pas l’eau pour l’instant qui complique, mais le sable dans lequel il faut se battre et pour aller droit et pour avancer.

Une visite de nuit ?
Une visite de nuit ?

Dans ce campement, au milieu de la nuit, Christine perçoit la première de gros pas lourds qui résonnent sur le sol à rythme rapide. On ne bouge plus, on s’assoit, on attend, on a peur et j’ouvre la tente et ne vois rien dans la forêt. Nous pensons que c’est un ours, sinon quoi d’autre ? La crainte ne nous lâchera plus tous les jours suivants.
Nous galérons de plus en plus sur cette piste-chantier qui longe la voie ferrée. C’est comme gravir une montagne à ski de randonnée le long d’un télésiège ou faire un trek le long d’une autoroute. Et ceci sur 3000 km ! Pour la première fois dans notre ballade, à chaque jour nouveau, nous ressentons plus fort l’insensée entreprise à vélo dans ces lieux.
On prend de plus en plus de risques à rouler sur la voie ferrée afin d’éviter les rivières et torrents.

Pas facile la piste de la BAM
Pas facile la piste de la BAM

Parfois, une gare, un train et son convoi chargé de bois ou de minerais, puis un village aux immeubles soviétiques décrépis horriblement glauques, et de la vie... ou presque !

Enfin une âme humaine, mais sans sourire ni bonjour ! Elle ne doit pourtant pas voir des cyclistes tous les jours ?
On continue mais la joie n’est pas souvent là ! Il n’est pas facile de dire pourquoi. Ce ne sont ni les difficultés, ni les distances, ni la monotonie, ni les ours. C’est un feeling, la couleur grise du ciel qui restera grise. Ce serait certainement très intéressant pour des biologistes, des sauvages, des Robins des bois ou des gouvernements cherchant des emplacements pour goulags.
Et chaque matin au petit-déj. l’incessante question « que peuvent donc bien faire ici deux cyclotouristes ? »

Vous pensiez peut-être que je porterais Christine ?
Vous pensiez peut-être que je porterais Christine ?

Et puis il y a ces gares, toutes les mêmes, petits bâtiments blancs et bleus à toit de tôle qui semblent dire « alors cyclistes, vous prenez le train ? » Environ tous les 30 km, mais souvent invisibles dans les bois et souvent fermées, nous essayons néanmoins d’y camper tout près. C’est drôle comme un rudimentaire bâtiment peut donner ici l’effet d’une compagnie. Elle n’ouvre ses portes que si un train s’arrête, parfois une fois par semaine. A l’intérieur pourtant, il y a de gros systèmes informatiques de renseignement sur les trains, places voyageurs, signalisations, tunnels, ventilations, etc.

Parfois un camion de bois dans la journée et son chauffeur qui stoppe pour nous encourager et essayer de comprendre qui nous sommes. On échange nos quelques mots russes puis on continue. Il n’y a rien à expliquer, il n’y a qu’une route.

Le nature parfois se vallonne et donne de meilleures images, le moral repart...un peu.

Un matin, nous décidons ensemble d’abandonner cette piste. Nous avons l’impression de perdre notre temps et le bonheur de pédaler. C’est à la fois le feeling et la raison qui le dicte. La décision n’a pas été facile, vécue comme un échec (surtout par Christine d’ailleurs). Nos étions convaincus que cette situation n’arriverait pas. Non pas pour l’image, ni nos lecteurs mais simplement pour nous. Nous prenons le train pour rejoindre les bords de l’océan pacifique à Vanino, face à l’île de Sakhaline.
Installation folklorique des vélos dans les paniers à bagages, suspendus au-dessus de nos couchettes « platzkart » (3ème classe). Provodnitsa et passagers sont ma foi bien complaisants. Chaque wagon est géré par une « provodnitsa », femme ou homme (rare) dont le rôle est entre autres de contrôler les billets, les identités, la bonne tenue des passagers, le vidage des poubelles, remplissage du samovar pour l’eau chaude, distribution des draps et nettoyage de tout le wagon (on se déplace donc en chaussons). Eric se demande encore si leurs sourires à son égard faisaient partie de leurs fonctions. Ci-dessous la photo de la provodnitsa de notre wagon suivie de celles des wagons voisins. Apparemment, il n’y a pas de tenue de fonction exigée (en dehors des arrêts) et personne ne s’en plaint.

C’est amusant cette fois de regarder notre piste boueuse en étant confortablement assis dans un train sympathique. Vivre ces deux versions de la traversée Sibérie/Far East devient intéressant. Durant plusieurs heures, rien ne change dans le paysage. Arrêt plus rapide que prévu à Komsomolsk, seule grande ville ou nous pensions rester 2 jours puisqu’il fallait changer de train, nous restons finalement 5 h. Pourquoi ? Explication qui intéressera les touristes en Russie.

La loi des enregistrements obligatoires, les « registration »
Une nouvelle loi russe impose tous les touristes (Russes compris) à s’enregistrer à l’administration centrale par l’intermédiaire de leur hôtel s’ils restent au moins trois jours ouvrables sur le même lieu. Gares ! Car ces enregistrements sont contrôlés aux douanes à la sortie, sous peine d’amende s’ils n’ont pas été respectés !
Avec le temps passé en Russie, nous avons vent de la corruption et doutons sur le but et l’efficacité de cette loi... Certains hôtels vous demandent de l’argent pour faire ces documents, pas d’autres ! Pourquoi ? Et leurs justifications sont des plus aléatoires.
Les cyclotouristes étant censés se déplacer tous les jours et camper dans les bois, il ne serait donc pas utile de les faire, mais ce n’est pas si simple car personne ne veut perdre de l’argent.
A Komsomolsk, la réception de l’hôtel nous dit qu’il y a un problème car notre dernier enregistrement date de 2 mois. Nous sommes donc convoqués à 14h à la police où nous devrons apparemment payer beaucoup pour être en règle. Pas d’accord, on fonce à la gare et quittons la ville après en avoir fait le tour rapidement, nous grimpons dans le 1er train pour Vanino. Nous paierons la taxe à la douane s’il le faut, mais ne paierons pas partout tout azimut. Gagné ! 2 semaines plus tard, les douaniers n’ont rien demandé à la sortie sur le Japon.
L’automne passé, nous sommes entrés en Russie par la Mongolie et de retour en Europe, avons quitté le pays par la douane biélorusse, personne n’avait rien demandé non plus.
Autre exemple, les cyclotouristes Cynthia et Dominique ont été bousculés par les douaniers en sortant sur la Mongolie, après discussions, ils ne paient rien non plus.
Un juge russe nous dit bravo, ceci aidera à supprimer cette loi débile et aidera certainement les autres touristes à s’en sortir plus facilement. Un visa devrait suffire pour aller en Russie, comme tous les autres pays.

Dans les gares du Far East, les bus qui les desservent sont en fait des camions, cela donne une idée des pistes qui mènent aux rares habitations, et pendant que je rêvasse, Christine se fait une amie.

Arrivée à Vanino, c’est une petite ville sans importance, si ce n’est sa valeur historique comme camp de transit et port de départ pour les prisonniers du goulag vers les camps de travail du nord, et un ferry pour ramener le pétrole brut par train, de l’île de Sakhaline...

Anecdote : Il serait si simple de prendre un ferry...
1ère étape : Je fais la queue trois heures pour l’achat des billets de ferry, Chris attendant dehors vers les vélos. Niet de niet, la vendeuse refuse de me les vendre sans explications, il est 11h, revenez à 16h dit-elle.
2ème étape : Je reviens à 15h, me plante devant le guichet déjà ouvert, personne d’autre ne passera. Cette fois elle accepte à condition que nous prenions le bus pour aller à l’embarquement situé à 2 km. Ridicule, il y a 100 personnes et 3 tonnes de bagages qui attendent déjà, ce sera impossible de mettre les vélos sans casse, je ne suis pas d’accord, mais elle refuse alors de donner les billets. Je finis par acheter les tickets de bus, elle me vend alors ceux du ferry.
3ème étape : On roule à l’embarquement mais sommes bloqués par une zone sécurisée à cause des docks. Maintenant, nous comprenons. Nous discutons avec la police, ça marche, on passe sans bakchich et on attend le bateau avec les autres véhicules.
4ème étape : Une femme autoritaire distribue un papier blanc à tous les passagers mais pas à nous. Je réclame les nôtres, elle répond « vous, vous ne prendrez pas le bateau » Merde, qu’y a-t-il de faux encore ? Nous poussons néanmoins les vélos en 1ère position d’embarquement, bien décidés à ne pas rester là !
5ème étape : Le bateau s’amarre, un beau jeune homme baisse le pont-levis, nous lui sourions, il nous demande gentiment d’embarquer. On installe vite les vélos et montons nous cacher et boire une bière discrètement, de peur d’être rappelé.
Où était le problème ? Nous ne le saurons jamais mais les Russes en rient, il existe même le dicton : « Tout est interdit, mais vous pouvez tout faire et tout obtenir ».
Cette histoire me rappelle un Russe que nous avions croisé en Inde et qui voulait acheter le faisan du zoo pour son repas. Montant le prix, le Russe avait faillit faire craquer l’Indien aux yeux de plus en plus brillant...

Et nous voilà voguant pour 16h. Une femme nous propose de partager sa cabine pour un tarif de moitié celui officiel. Il y a trois lits et elle est seule. Elle est cuisinière sur le bateau et arrondit ses fins de mois en louant les lits de ses collègues en vacances.Elle a mal dormi et nous rend notre argent au petit déjeuner, culpabilisant d’avoir demandé illégalement des sous à des cyclistes si courageux autour du monde...

Sur Sakhaline, à nouveau la piste pour trouver une plage où camper, mais nous sommes interpellés et invités à passer la nuit chez une enseignante. Soirée sympa où nous apprenons encore beaucoup sur les Russes et leur pays. Le nord de l’île se développe grâce au business pétrole mais perturbe ainsi les ours qui n’ont d’autres choix que de descendrent au sud. Se sentant menacés, ils sont de plus en plus agressifs et attaquent l’homme. Par le nombres d’accidents, les habitants n’osent même plus aller au champignons et aux baies comme par le passé.

Nous traversons l’île pour aller à la ville principale, Yuzhno-Sakhalinsk. C’est pour nous « le bout du monde » mais notre sponsor PricewaterhouseCoopers est ici présent avec un office que nous visitons, cinq employés seulement et donc de loin le plus exotique de nos meetings.

Eric aurait bien aimé choisir la poupée qu’il a dans les bras :-)
Eric aurait bien aimé choisir la poupée qu’il a dans les bras :-)

C’est sur cette dernière jolie note que le 20 août nous quittons la Russie en bateau pour entrer au Japon, Hokkaïdo. Le tarif des billets pour les vélos est si cher et l’administration si chaotique que nous ne prenons que les deux billets passagers. Malgré tous les contrôles, personne n’y voit rien. Le juge russe ici présent (dont je parlais précédemment) éclate d’un rire franc avec regard et air complice...

Pour beaucoup d’entre nous Européens, la Russie, c’est bien souvent Moscou et St Petersbourg et tout au fond, la Sibérie... mais plus loin encore que la Sibérie c’est le Far East (Extrême-Orient) que la Russie moderne tente aujourd’hui d’appeler « Russie Pacifique ».
11 heures de décalage entre l’Est et l’Ouest, soit 9000 km. Pour être concret, c’est la distance entre Paris et Bankok., soit une quinzaine d’heures d’avion. Toutes les gares de train travaillent à l’heure de Moscou, aussi, votre billet de train peut mentionner votre départ à 4h du mat mais vous partirez en fait à 15h locale. De Moscou à la douane mongole, 4500 km, mi-chemin avec la Russie Pacifique. Libye, Chine et Inde que nous avions crues grandes deviennent tout-à-coup toutes petites. Et malgré tout cela, on constate une incroyable unité. La mode vestimentaire et les attitudes sont identiques d’un bout à l’autre. La jeune fille d’un village de Sibérie est à la mode de Moscou, les hommes boivent la vodka et le pain rectangulaire est le même partout. Les bars balancent tous la musique anglaise, des Doors aux Gun’s and Roses. Si le Russe vous accepte, il vous aide jusqu’au bout. Le Russe vous regarde droit dans les yeux. Voilà quelques impressions, mais que dire d’autre avec ce sentiment d’avoir été une aiguille à roulettes perdue dans les collines boisées ?
Et nous voilà partis chez les Nippons (Japon en japonais)