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En cargo chinois sur le Mékong
15 octobre 2010 - 18 octobre 2010
De la Thaïlande à la Chine en bateau cargo

Tu as de l'équilibre Eric ?
Tu as de l'équilibre Eric ?

Des milliers de tonnes à charger !
Des milliers de tonnes à charger !

A Chiang Saen en Thaïlande, un cargo de commerce chinois sur la berge du Mékong embarque des tonnes de matériel en tous genres. Y’a t’il encore une place pour deux Suisses, deux vélos et quelques sacoches ? Mr. Tang, le gestionnaire du bateau, affalé à l’ombre d’un parasol sur le quai, donne son accord sans hésitation. Départ demain à 14h, ça va durer quatre jours, ça va coûter 500 RMB soit 45€ par personne, repas compris. Le Chinois ne parle pas anglais, nous ne parlons pas chinois, tout va bien, voilà donc tout ce que nous avons compris ! Le mousse nous accompagne à la douane thaïlandaise qui nous tamponne la sortie du pays. On ne sait pas encore où nous serons débarqués.
C’est bien connu, pour gagner quelques sous le Chinois prend des risques, alors le pont frise la surface de l’eau... Les 9/10ème du bateau sont immergés. Le Mékong n’est pas toujours gentil, alors espérons que le pilote aie de grands yeux pour éviter les récifs.

Et nous voici partis, à remonter ce fleuve énorme aux eaux jaunâtres.

Un pilote capitaine, un second, un mécanicien sur chacun des deux moteurs hurlants et fumants, un mousse plein d’attention, une cuisinière professionnelle et les deux Suisses squattants une cabine habituellement occupée. Chacun ayant sa place de fonction dans la journée, nous ne sommes dérangés ni dans le basic mais propre salon d’intérieur, ni dehors sur le pont supérieur, installés à l’ombre des orchidées et slips suspendus.

Le bateau file au centre du large fleuve et le vent frais produit par la vitesse est agréable. En fermant les yeux, la sensation ressemble à celle donnée par le vélo en descente douce.

Dans la végétation tropicale des berges à tribord, apparaissent quelques rares villages laos et à babord, de plus rares villages birmands. Le Mékong sert de frontière aux deux pays.

On accoste le soir vers deux autres amis cargos et sommes visités par la police chinoise maritime. La relation est sympathique et l’on mange et boit la bière ensemble avant de passer une nuit profonde rythmée par le clapoti des flots sur la coque. Le bateau appareille avant même notre réveil. Le fleuve s’est rétréci et le courant plus fort saute par-dessus les rochers.

Le régime moteur a augmenté et les pots d’échappement dégagent une fumée grasse... On sent la souffrance du bateau dans ses vibrations et sa lenteur à remonter le courant. Il est parfois si lent qu'il en devient inquiétant. Les récifs sont partout, les plus dangereux signalés par une borne. Comment trouve t’il son chemin ? Mais ça passe !

Restons relax, on sait nager
Restons relax, on sait nager

Le pilote devait être affamé, il visa la berge et planta l’avant du cargo sur une plage de sable en pleine forêt tropicale. Surprise, un Lao arriva en courant avec un récipient plein de poulets vivants. Après marchandage, on achète le lot de cinq volailles que l’on décapite sur le pont pendant que le capitaine relance le bateau dans les flots. Ce sera notre repas du soir !

Et l’on croise parfois des embarquations diverses essentiellement laos

Plus on monte, plus la végétation s’épaissit et ce soir-là, même technique de pilotage. On fonce sur une plage de sable. Nos milliers de tonne s’enfoncent profondément, le mousse saute du bateau en tirant une amarre qu’il entoure plusieurs fois autour d’un énorme tronc d’arbre. Le bateau pivote lentement et se colle à la rive. Et si l’amarre était mal choisie ? dans ce courant, le bateau pourrait partir seul à la dérive en pleine nuit ! Mais ça roupille et ça repart à l’aube.

Les paysages défilent toute la journée. C’est beau et le cadre est si sauvage qu’il nous semble être les aventuriers du siècle passé. D’autant plus que depuis trois jours nous avons quitté un pays, sans officiellement être entrés dans un autre. No man’s land durant 4 jours, cela ne nous était jamais arrivé.
Ce soir-là, nous stoppons côté birman, nous ne sommes pas seuls. Un garde portant un sarong, cheveux longs coiffés en chignon, mange avec nous, boit la bière et encaisse une bonne somme d’argent... Au lit, le sifflement des moustiques couvrent mon ronflement, mais notre moustiquaire les chagrine.

Au petit-déjeuner, les plans changent subitement. Sans savoir vraiment pourquoi, nos vélos, sacoches et nous-mêmes sont transférés sur un bateau voisin. Et ce 4ème jour, comme prévu, nous arrivons à la douane chinoise de Guan Lei. Un énorme batiment dans la forêt, derrière lequel se cache un tout petit village. Les bagages sont contrôlés rapidement sous l’oeil de tous les présents, et le tampon d’entrée apposé sur les passeports. Facile.

Nous sommes arrivés à bon port au Yunnan, probablement sauvés des traîtres récifs par les grigris bienveillants acrochés à l’arrière, pattes de poule, têtes de rats et entrailles sèches diverses.