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Le Japon, île d’Hokkaïdo
20 août 2008 - 27 octobre 2008
Paradis des amoureux de la nature

Bien arrivés au Japon sur l’île d’Hokkaido le 20 août 2008 par temps calme, mer bleu-turquoise et soleil brillant. Sans vérifier nos bagages, un douanier souriant aux yeux bridés désinfecte nos pneus au pulvérisateur. De grands « welcome » timides au bureau d’information qui nous remet plans de la ville, du pays tout entier, des campings, des « mitchino eki » (arrêts routiers) puis tout ce que l’on veut avec sourires, courbettes et encore des courbettes, mains à plat sur les cuisses. Tous les bateaux, les immeubles, les maisons, l’asphalte, les voitures, les vêtements portés, les motos, les vélos et le reste semblent neufs, tout proprets, droit sortis des moules d’usine. Pas de doute, nous ne sommes plus en Russie J
Nos yeux pétillent en flânant dans les ruelles au vu des décos dans les vitrines et petits jardins miniatures. Nous grimpons la colline de Wakkanai sur 3 km pour s’installer au camping municipal. Vue imprenable sur la mer, plus beau qu’un terrain de golf, parfaitement entretenu, toilettes impeccables, tables, bancs, barbecue, pergolas... le tout gratuit ! Une maison abrite un bassin d’eau chaude chauffé par énergie éolienne où on peut se tremper les pieds. Une vingtaine de motards surchargés et une bonne dizaine de cyclotouristes suppriment d’un coup notre solitude de bohême. On s’installe au milieu des tentes abandonnées par leurs occupants en vadrouille, personne ne semble craindre le vol. Derrière nous la forêt de pins sur la colline boisée où logent biches, cerfs, renards, corbeaux et autres bêtes... à peine sauvages. Christine surprend un petit daim dormant derrière un arbre, il se redresse, titube et nous regarde hébété sans même se sauver.

Notre impression est magique, reposante et étonnante. Hokkaido, cette petite île du nord, nous y sommes depuis 2 mois et une semaine. Il faudrait y rester au moins 5 mois (mai à sept.). C’est si beau partout que le départ est discuté chaque matin. Ile parfaite pour cyclotouristes paresseux direz-vous, eh bien ne vous y trompez pas ! Nous y avons roulé 2'541 km et bien soufferts. Cette île a presque deux fois la superficie de la Suisse et n’a rien à lui envier en dénivelés avec un vent bien présent souvent de face évidemment.

Ile de Rishiri
Nous n’allons pas quitter la pointe extrême nord d’Hokkaido avant de prendre un ferry pour l’île de Rishiri. Un volcan éteint, copie parfaite du célèbre Fuji-Yama mais en pleine mer, nuages au sommet.

Vue de Rishiri depuis l’île de Rebun
Vue de Rishiri depuis l’île de Rebun

Au sommet (1’721m) les Japonais nous narguent avec leur drapeau, nous les narguons avec la croix suisse... sur le porte-monnaie.

Le parcours nous réserve des surprises...

Trois hommages aux toilettes publiques :
1) Le sentier de rando parfaitement tracé est totalement propre, jalonné de « stations », refuges et toilettes. Que dis-je toilettes, je dirais plutôt cabane intégrée au paysage, bien située, avec vue sur la mer.

Christine y court à la hâte mais zut... seule une lunette plastique est posée sur quatre pieds !

J’aurais dû vous dire qu’au début du chemin, il est « obligatoirement conseillé » d’acheter le sac plastic 3€ doublé d’ouate et adaptable sur ce support lunette afin de pipi/crotter dedans et ramener le tout dans son sac à dos case départ dans une poubelle prévue au recyclage.

Cette propre surprise nous rappelle qu’au Ladakh, 10m autour des campements, il nous fallait scruter où poser les pieds...

2) Par la suite, nous avons souvent rencontré dans les lieux sauvages des toilettes sèches, sans odeurs grâce à l’aspiration des gaz avec ventilateur fonctionnant à l’énergie solaire.

3) Et pour en finir le troisième hommage qui aurait probablement plu à Charlie Chaplin ou Louis de Funès !
Oui, finies les cuvettes avec lunettes plastique glaciales de l’Europe ! Au Japon, elles sont électrifiées et chauffées, pas seulement dans les hôtels, mais partout, sur les parkings, campings gratuits, gares, etc.

Je m’installe sur la douceur mais zut ! La chasse se déclenche ! Je me relève. Pas d’eau, ce n’est que le bruit enregistré et balancé sur haut-parleur. Plutôt étrange ? J’apprends plus tard que cette simulation sert votre pudeur en dissimulant vos pets ou autres sons. Je me rassieds et m’exécute. Un vrai tableau de bord sur mon accoudoir de droite. Forcément, tout en japonais ! J’effleure la 1ère touche digitale au hasard, un vérin se déclenche, s’allonge et s’approche de l’anus pour me gicler violemment le trou de balle. Je rappuie pour stopper ce jet, sans succès, il ne s’arrête pas mais l’eau est douce. Comment l’éteindre ? J’appuie sur le suivant qui déclenche un deuxième vérin mais sur l’avant et me gicle les... Zut, je présume que cette fonction n’est pas pour les hommes. Vrai défaut ! Car comment des toilettes informatisées à ce point ne savent-elles pas que je suis un mâle ? J’essaye les autres touches, elles modifient la pression, les températures, déclenchent à nouveau le bruit de chasse, soufflerie pour séchage, etc. Comment m’en sortir ? Ce doit être mon poids sur la lunette ? Je me lève, erreur ! Les jets puissants giclent le mur et mon pantalon, je me rassoie et me voici cloué sous lavage à pression. Je pense alors à Jean Lefebvre dans le film « Un idiot à Paris ». Je presse un gros bouton rouge qui ressemble à celui des appels d’urgences (ce qui nous est arrivé par la suite, et les secours sont venus !). Ouf, tout s’arrête. La vraie chasse et le nettoyage se déclenchent. Je dissimule mon fond de culotte en enfourchant ma bicyclette. J’ai la fraîcheur aux trousses.

Sur l’accoudoir
Sur l’accoudoir

Sur le mur
Sur le mur

Une dernière chose bien pensée : l’eau qui va remplir le réservoir de chasse sort d’un robinet pour couler dans un lavabo qui est le couvercle du réservoir de chasse. Vous pouvez ainsi vous rincer les mains sans consommation supplémentaire. Ca nous rappelle le jeune copain Alex outré qu’à notre époque nous puissions déféquer dans l’eau potable, eau précieuse ! Alors qu’il serait simple de récupérer l’eau de pluie pour alimenter nos chasses d’eau.

Ces anecdotes légères en disent long sur la vie japonaise, le sens du détail, le respect et leur intérêt pour la précision, l’écologie et l’électronique. Leur téléphone dit « de 3ème génération » n’accepte plus nos cartes SIM et leur diffuse Internet. Des milliers de distributeurs en tout genre disponibles 24h/24 sur les trottoirs. Au restaurant, vous prenez des tickets sur une machine plutôt que passer commande. Pas facile, on ne comprend rien de cette langue, mais reste l’élément commun à tous les peuples : avec un sourire, tout le monde est prêt à vous aider.

La nature est magnifique. Une nature dense à laquelle on ne s’attendait pas. Les Japonais amoureux d’espaces vierges viennent à Hokkaido en vacances, car l’île principale de Honshu est bien différente disent-ils. On fait le tour de l’île de Rishiri, 80 km dont 40 sur piste cyclable, pas le long d’une grande route ! Viaduc juste pour les vélos (cycloduc) à 50m de haut pour enjamber les vallées profondes infranchissables. En Europe, on le fait bien pour les voitures et les trains ! Pourquoi pas les vélos ? Et pas un seul gravier, je n’ai plus peur que la roue pète...

De retour au camping, un Japonais nous envoie à l’ « onsen » d’en face. Mais qu’est-ce donc ?

Les onsen
Les onsen sont des sources thermales d’eau chaude, le plus souvent sulfureuse, aux vertus diverses. Elles sont utilisées comme bains publics pour la détente depuis des siècles. C’est un raffinement supplémentaire, une institution au Japon !
Ils sont partout, plus de 3000 répertoriés (loin devant l’Islande) et le plus souvent en pleine nature. Au bord d’un lac, en bord de mer accessibles à marée basse seulement, en ville où vous prenez votre bain entre deux verres, en pleine montagne, etc. Imaginez une rando de plusieurs heures, une cascade forme un bassin sur le flan de la montagne, vue sur la mer et végétation luxuriante. Vous prenez alors la tenue d’Eve ou d’Adam (bikini s’il est mixte et occupé), vous savonnez votre beau corps à quelques mètres de là, une fois propre vous glissez dans l’eau chaude. Une purification du corps et de l’esprit durant des heures, c’est idyllique.

Hokkaido est truffé de volcans donc truffé d’onsen. Leur visite est une bonne raison pour les Japonais de faire un petit voyage. Certains hôtels ont leur propre source d’eau chaude mais avec droit d’entrée (très bas, 3-4 euros).
Mais comment procéder dans un onsen ?
Respectez côté homme ou femme puis entrer dans le vestiaire et abandonnez-y vos vêtements dans un panier d’osier. Frayez-vous un passage entre les corps nus.

La 2ème salle pour vous décaper tranquillement assis sur un tabouret, savon et shampoing à disposition, rasage, brossage dentaire, épilation, etc. Une voisine frotte le dos de Christine sans aucune gêne.

La 3ème salle avec les bains chauds pour vous détendre, sauna, etc. Une porte mène au jardin extérieur ou vous trouvez d’autres bains chauds appelés « rotemburo ». Votre serviette ne doit pas entrer dans l’eau propre, aussi chacun la plie et se la pose sur la tête (pas de belles photos ! Japonais pudiques, photographier serait maladroit).

A la sortie, vous avez des salles avec tatamis pour une petite sieste, café pour boire un verre, salle de télévision, fauteuils massants, restaurant pour manger un bon plat.
On vous assure qu’essayez une fois, c’est y retourner souvent, surtout après une belle journée de vélo.
Evidemment, les bohémiens que nous sommes devenus préfèrent ceux dans la nature comme celui-ci au bord d’un lac chaud entouré de montagnes et volcans fumants.

Nous voguons vers l’île de Rebun
Peu peuplée, elle est vallonnée et couverte de plus de 300 espèces de fleurs avec villages de pêcheurs aux petites rues étroites encore traditionnelles.

Nous ressentons la fatigue des efforts physiques en Russie. On s’installe une semaine dans un camping. Des cyclotouristes et motards japonais par dizaines défilent pour passer ici la nuit.

Nous créons des contacts amicaux, nous apprenons leurs coutumes, leur cuisine, leur comportement et commençons doucement à sentir leur culture. Nous avons déjà la passion du Japon. Nous ne sommes ici que depuis 8 jours et la liste record des invitations dans différentes villes est déjà longue.

Soirée « oursin à gogo »
Soirée « oursin à gogo »

une gargote aux repas délicieux
une gargote aux repas délicieux

Eric, travailleur sans relâche pense à vous et s’installe à son bureau, électricité pour ordinateur et musique assurée par le panneau solaire Flexcell. J’écris notre traversée russe, concentration difficile, mon cerveau est déjà dans un autre monde.

Etre dans un camping n’arrête pas les km. Sur une petite route tranquille, nous roulons vers la pointe nord quand un son bizarre nous tire l’oreille. Ce doit être des cris d’animaux ? C’est côté plage. On pose les vélos pour chercher un accès et soudain ! Face à nous, des centaines de phoques grognent au repos à moitié immergés. Nous restons longtemps seuls avec eux. Leurs petits yeux ronds nous regardent et nous surveillent, ils actionnent leurs moustaches de bas en haut et ne semblent pas apeurés. Pour être plus précis, ce sont des veaux marins.

Je ne résiste pas à l’envie d’avancer doucement dans l’eau froide peu profonde. Ils me regardent, ils sont beaux. Je prends des photos toujours plus prêt, plus encore mais c’est trop ! Un cri (un chef ?) et plouf, ils se laissent basculer doucement sur le côté pour couler avant de réapparaître immédiatement. Seule leur tête en surface me regarde sans bouger, on dirait des enfants. Il y en a partout, j’ai l’impression qu’ils sourient.

Culpabilité de les avoir dérangés ! Pourtant le lendemain, un bateau à quelques mètres d’eux et un pêcheur à pied ne semblent pas les gêner le moins du monde.

Durant une semaine, nous n’avons mangé qu’au parfum de la mer, invités la plupart du temps. Des coquilles St-Jacques ou autres coquillages (bizarres parfois), du petit poisson au gros thon, de l’oursin aux crevettes par le crabe et j’en passe, que ce soit cru ou cuit. Bu le saké dans les petits verres carrés en bois de cyprès. Soupe « miso » aux parfums délicats provenant d’une algue séchée (laminaire) utilisée dans leur cuisine. Nous découvrons leurs mets délicats et variés.

La pêche à l’algue ou à l’oursin
Cette pêche aux laminaires ou aux oursins est interdite en plongée et se pratique d’une barque pour protéger les fonds.
Le pêcheur penché par-dessus bord dirige sa barque à rame avec les pieds. Il porte sur le visage un masque énorme, évasé comme l’entonnoir et suffisamment long de manière à poser le verre sur la surface de l’eau pour scruter les profondeurs. Muni d’un long bâton crochu et coupant, il cueille et remonte l’algue convoitée. Séchée, elle sera vendue dans tout le pays.

De retour sur l’île d’Hokkaido, nous allons enfin découvrir les routes et notre nouvelle manière de vivre. On se dirige sur le nord-est en longeant la côte, hommage au passage à un aventurier japonais du 16ème siècle, dont la statue se dresse devant nous. La route est agréable et nous sommes incognito mêlés aux autres cyclotouristes en vacances de tous pays. Eric a une boule à l’aine qui grossit à chaque effort. Ce doit être une hernie. Nous sommes début septembre, je dois essayer d’avancer pour aller au sud. Si un médecin m’arrête un mois ici, nous nous retrouverons dans la neige ! Les vents viennent de l’ouest, direct de Sibérie et apporteront le froid sec tôt dans l’automne. Je ne savais pas encore que je roulerais 3'650 km avant d’arriver à Tokyo... mais avec coquilles St-Jacques extra-fraîches pour les 10h ou les quatre-heures, on oublie cette hernie.

Parfois sur pistes cyclables (pas toujours faciles à trouver car signalées en japonais), ma guitare toujours de travers met Christine en boule, forcément, une Suissesse se doit de ranger ses bagages correctement :-)

Nous arrivons au lac Saroma où pousse la salicorne de la famille des épinards. Elle devient rouge en automne, elle est découverte ici à Akkeshi, devenu maintenant réserve nationale. Cette plante pousse dans les marais d'eau salée. On la trouve d’ailleurs en France, en Bretagne à des tarifs élevés mais pour cause, c’est excellent.

Accompagnés par les mouettes curieuses, nous longeons la côte jusqu’à la péninsule de Shiretoko, parc national sauvage, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

Tellement sauvage que les gros nounours bruns de 2m pesant 400 kg y ont élu domicile. 600 recensés, ça fait du monde, il y a donc des règles à observer. Si vous êtes courageux ou inconscients et partez randonner, vous verrez les règles et horaires affichés au départ des sentiers. Ne vous égarez pas, les ours sont très actifs en soirée et si les gardes interviennent et vous ramènent, soyez contents de payer l’amende.

Vous voulez toujours randonner ?
Vous voulez toujours randonner ?

Même les daims sauvages préfèrent les hommes et restent proches des campings. Ils sont d’ailleurs une référence de sécurité car les Japonais disent que si les daims sont là, c’est alors un lieu sûr.

Tout l’été, les villes et villages d’Hokkaido organisent des festivals, appelés « matsuri ». Ces fêtes traditionnelles familiales où tout le monde s’amuse en participant à différents jeux rythmés par les tambours. Nous roulons alors quelques 500 km le long de la côte est pour arriver au village de Kiritapu. Les jeunes que nous avions rencontrés sur l’île de Rebun nous attendaient dans leur team de participants. Le camping (gratuit) au sommet d’une falaise est magnifique.

Vue du camping
Vue du camping

Ma boule grossit au bas du ventre alors Christine participe pour moi. Elle réussit à pêcher un saumon de 6 kg... à la main ! (dans un bac avec 20cm d’eau).
Notre team gagne 6 saumons dont 1 kg d’oeufs, des kilos d’anguilles et 500€ . On monte sur le podium au résultat d’une course de pédalo. C’est la fête pendant trois jours et l’on découvre qu’accepter de participer, c’est aussi accepter la beuverie qui suit.

Oeufs de saumon
Oeufs de saumon

Saumon cuit en papillote, couvert de légumes frais
Saumon cuit en papillote, couvert de légumes frais

Peut-être un peu trop arrosé ?
Peut-être un peu trop arrosé ?

Nous quittons la mer pour nous diriger au centre d’Hokkaïdo, plus montagneux et plus sauvage encore, mais les marchés sont bien approvisionnés, on n’y meurt pas de faim !

Le même team s’était donné rendez-vous au matsuri de Tsurui, différent mais tout aussi intéressant. Ci-dessous, Christine et notre copain Kampei dont on n’a jamais réussi à voir les yeux, même écarquillés !

Pour clôturer cette fête, les porteurs en costumes traditionnels promènent le symbole du village sur l’hôtel portatif.

On quitte le village sur un envol de grues. En automne, des milliers passent par ici.

Envol de grues
Envol de grues

Direction, toujours plus au centre d’Hokkaido, le lac Kussharo Ko chauffé par un volcan fumant sur la berge. Un onsen rudimentaire au bord d’un lac magnifique. Une cabane en bois où brillent deux boucles d’oreilles au sol. Christine les reconnaît. Elles appartiennent à une française que nous avions rencontrée 9 jours auparavant à 250 km de là ! Nous lui écrivons et les lui renvoyons par la poste.

Ce matin, une norvégienne rencontrée au bord du lac Baïkal en Sibérie, nous envoie un Email pour nous raconter qu’elle vient de visiter une amie à Paris qui nous avait croisés sur l’île de Chypre !
La terre est petite et si belle, c’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle il faut absolument essayer de la protéger. Comment exprimer ce que nous percevons de ses dimensions ?
Passer de Suisse à l’Afrique, à l’Inde jusqu’à la Russie pour redescendre en Australie et le faire à vélo, c’est possible, aussi les vraies distances nous sont devenues réelles, plus d’imaginaire, plus de supposition. L’avion allonge les distances par l’inconnu, le vide entre le point de départ et le point d’arrivée. Juste l’effet inverse de ce que l’on ressentait auparavant. Le monde est à la portée de tous. Faire le tour en ligne droite sur l’équateur représente 8'300 km sur terre ferme, soit 9 mois à pieds ou 3 mois à vélo. C’est le flou et l’inconnu qui exagèrent les distances, pas la réalité !

Les Aïnous
Sur la côte sud du lac Kussharo, nous traversons un village Aïnou, nom des aborigènes d’Hokkaido. Au 19ème siècle l’ère Meiji les écrase. Depuis, les mariages interethniques et l’intégration les font pratiquement disparaître. Aujourd’hui des associations dynamiques réactivent leur culture et leurs coutumes. Nous nous sommes même déguisés pour leur faire plaisir.

Cette région du parc national d’Akan fume de partout. Les volcans aux odeurs de souffre, prêts à vomir sont proches. Ils nous redonnent les vrais proportions comme pour nous rappeler que l’homme n’est pas le plus fort.

Les lacs de caldeira aux eaux sombres sont bordés de forets denses, pas une habitation n’y trouble la musique du vent, et les fermes s’installent en contre-bas dans les vertes vallées fertiles.

On s’installe trois jours dans un camping au décor de théâtre. Il fait déjà frais début octobre, alors nous sommes seuls, considérés comme courageux par les Japonais qui n’aiment guère le froid. L’un d’eux arrive un soir avec trois énormes crabes rouges. Une invitation de roi. Plus d’un kg chacun d’une viande rose et délicieuse. Par 10 degrés de nuit, bancs et table de bois massif, une bougie, le tout sous de magnifiques pins, nous fûmes rassasiés par du crabe à gogo...Quoi de plus simple ? Quoi de plus noble ?

Le lendemain, une jeune fille trisomique nous interpelle pour nous offrir sa plaque de chocolat puis un couple âgé nous appelle pour dîner sur l’herbe, viande filandreuse excellente entre le boeuf et le sanglier... c’est de l’ours ! Nous avons mangé l’ours. Ils sont devenus si nombreux qu’ils doivent les piéger pour en tuer quelques-uns. En parlant de manger, Christine s’adapte, on la dégusterait bien aussi à la sauce japonaise !

Puis le lac Onnetoh aux sept couleurs avec encore deux volcans capricieux aux vapeurs nocives en arrière-plan, le Meakan Dake et l’Akan Fuji.

Regardez la tête souriante mais crispée de Christine ! voire apeurée. Eh bien l’accès au volcan fût interdit la veille, considéré comme dangereux. Notre envie d’aller plus près était plus forte que la raison. Ce volcan Meakan Dake est un monstre qui parle des profondeurs de notre terre. Dans ce voyage, nous prenons l’habitude de prendre nos propres décisions selon notre évaluation des risques, de l’insécurité et organisons notre propre protection. En Russie, l’accès du volcan n’aurait pas été interdit. Au Japon, une simple fumerole et l’on évacue l’île ! Il y a un monde entre les deux qui est le nôtre, notre estimation, nos décisions. Il n’est plus ici question d’assurance ou retraite vieillesse.

Par les vallées, nous contournons sur 400 km le massif du Daisetsuzan. Un jour de forte pluie, nous campons dans un parking abrité de grande surface, un guide de montagne vient s’installer proche de nous, personne ne dit rien. L’automne et sa fraîcheur viennent de s’installer créant des couleurs pour tableaux style pointillisme.

Nous descendons la vallée de Biei et Furano (100 km), toute fleurie, avant de grimper sur un autre volcan fumant, le Tokachi Dake

Après deux mois de nature et campement journalier, nous arrivons à Sapporo chez Chikae et ses grands enfants. Nous l’avions rencontrée auparavant dans un camping. Sapporo est une belle ville très reposante à l’image des montagnes qui l’entourent. Les petits pains du déjeuner sont fourrés d’une pâte sucrée de haricot rouge, omniprésente dans les pâtisseries japonaises.

En 1943, la colline ci-dessous naît et pousse comme un légume en pleins champs. Le facteur du village, passionné par les volcans, l'achète 250 € en 1946 et met au point un système de mesure encore utilisé de nos jours pour calculer sa croissance qui va s'effectuer doucement durant des années.

Nous continuons sur le sud afin de trouver le ferry qui nous mènera sur le Honshu, l’île principale du Japon, mais il y a encore des lacs et des volcans et des lacs et des montagnes, toujours aussi beaux. Mais il est aussi toujours plus difficile de rouler car ma boule grossit. Je dois rejoindre Tokyo au plus vite mais avec quelques haltes en bord de lac...

En pleine forêt, une porte de sanctuaire shinto.
En pleine forêt, une porte de sanctuaire shinto.

Les pratiques et rituels du shintoïsme dans les sanctuaires sont souvent liés aux récoltes, plantes, animaux et à la vie en général comme les naissances, mariages, etc. Le bouddhisme dans les temples s’occupe de l’âme ou de l’au-delà comme les décès. Le Japonais pratique donc deux religions sans conflit, mais aujourd’hui, bien que dans les traditions, la pratique tend à l’abandon. Le shintoïsme peut expliquer en partie leur amour et respect de la nature, profondément encré dans leur éducation. Avec leur conscience, certaines erreurs du passé se corrigent petit à petit.
Neuf semaines à Hokkaïdo ! C’est également du raffinement partout. Ce sont des petits bouquets de fleurs, des plaques d’égouts avec des motifs sculptés, des camions poubelles aux couleurs vives qui diffusent doucement de la musique classique. Ce sont des sculptures bois, des poteries, des soies. Ils va être difficile d’en sortir les grands traits pour nourrir notre journal. Ici, un long texte et le sentiment de ne rien avoir dit.

Le Japonais ne vous regarde pas, ce qui signifie le respect et non l’indifférence. Pique niquez sur un banc public, le piéton passera derrière vous et non devant. Posez-lui une question, il ne dira jamais non, il passera le temps qu’il faut pour vous trouver la réponse.
Beaucoup de chose à dire mais au-dessus de tout, c’est la facilité de vie dans notre voyage qui prime avec leur tolérance à nos campements improvisés. Jamais de réflexion, jamais de regard jugeur ou négatif et tant d’autres facilités pour simplifier la vie plutôt que la compliquer.

Une dernière image de nature à Hokkaïdo
Une dernière image de nature à Hokkaïdo

Nous avons vu une image identique fixée plusieurs minutes sur un poste de TV afin d'avoir suffisamment de temps pour en apprécier la beauté.

Et nous prenons un court ferry pour arriver sur l'île principale de Honshu, nos vélos ne font pas encore pédalos...