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Relaxe sur la grande route du Bengale Occidental !
Relaxe sur la grande route du Bengale Occidental !

L'Inde c'est fini, 10 mois et deux semaines pour 8'704 km au total. Nous l'avons gobée, absorbée, dévorée, aimée et détestée... mais parait-il qu'on y revient toujours un jour ! Rouler en Inde, c'est comme un film, c'est recevoir en pleine face une foule d'impressions, de couleurs, de bonheurs, de craintes, de peurs, d'odeurs d'épices et de merde, de musiques et coups de klaxon dans les oreilles à vous éclater les tympans et tout cela, avec des sourires éclatants ou des coups de gueule. Nous sommes passés en Inde pour recevoir tout ça, le revers c'est d'avoir donné l'échange, juste guerre ! Nous sommes venus exposer notre image dont les Indiens sont curieux. Notre image de blancs européens, de riches et de culture différente qui les fascine et qu'ils connaissent mal par leur TV et leurs journaux. Partout les regards sont lourds et nombreux, les questions sont sans fins, les opinions divergentes se discutent, se défendent ou se justifient malgré notre fatigue journalière des 100 derniers km roulés sous la pression d'une circulation bruyante et désordonnée, fatigue qu'ils ont bien souvent du mal à comprendre puisque personne ne nous oblige à cette vie... le vélo est ici pour le demi-pauvre et ne sert pas aux loisirs mais aux travaux. Le tout est fixé en image sur leur téléphone portable qui nous filme.
Nous étions donc à Hampi lors de notre dernière mise à jour. Christine joue à se faire bénir par l'éléphant sacré du temple, geste qu'il n'accepte de faire que s'il reçoit évidemment un billet de banque dans la pince de sa trompe... l'idée était simple et le dresseur n'est pas idiot vu le nombre de touristes qui défilent !

Nous partons sur les routes tranquilles bordées de rizières d'une couleur verte éclatante, trop tranquille certainement puisque Renaud, notre webmaster, subit sa première crevaison ! Nous qui pensions qu'il s'arrêtait pour se soulager, nous continuons notre route et l'attendons finalement assis sur le bas-côté avec toute une famille venue nous observer. Nous sortons les jumelles pour voir si Renaud arrive et là ! Bourvil et Louis de Funès n'auraient pas pu tourner une séquence aussi comique. Toute la famille se chamaillait pour essayer cet objet inconnu. Leurs bras tendus, ils tentaient de toucher leur voisin sur son pas de porte à 50m, tous avaient une expression de gaieté et les rires éclatants toutes dents dehors leur donnaient l'expression d'une incroyable innocence.

L'Andhra Pradesh est une région peu courue des touristes, l'accueil y est relax et l'ambiance agricole agréable. Nous croisons un cyclotouriste indien, Raghaba Chandra Naik, parti pour un tour de l'Inde, 7'000 km prévus. Il n'a qu'un petit sac et se fait loger par la police. Son vélo n'est pas de bonne qualité et la déco est trop importante pour la négliger. Son slogan de voyage écrit sur sa fourche avant est : "Save oil, ride cycle" (économisons le pétrole, roulons à vélo).

Nous arrivons à Hyderabad, petite ville tranquille du centre de 5,5 millions d'habitants... Renaud nous quitte et prend l'avion pour le Népal en grève. Nous visitons notre sponsor PricewaterhouseCoopers qui passe commande au meilleur traiteur de la ville de la spécialité régionale, un succulent biryani, que l'on déguste dans le bureau du partner.

Nous roulons direction plein est pour rejoindre la côte de la mer de Bengale, il fait chaque jour plus chaud. Pour se rafraîchir, les locaux coupent les feuilles de palmiers et récoltent la sève qui fermente rapidement pour devenir vin de palme. Pendant que l'homme grimpe aux arbres, leur femme parfois coquine... vend le vin le long des routes, aux camionneurs et cyclistes...

Transvasement de la récolte
Transvasement de la récolte

Quel costume !
Quel costume !

Et puis les sourires et les rencontres se multiplient :

Avec un paresoleil fait maison
Avec un paresoleil fait maison

La vie des femmes dans un pays est souvent l'objet de nos discussions avec Christine. Leurs attitudes soumises ou à l'aise, des traditionnelles aux filles branchées. La pudeur par exemple ! En Inde, elles se baignent en mer vêtues de leur sari ou se lavent au puit sur la rue sans montrer leurs chevilles. Elles dorment avec toute la famille dans la même pièce. Quand et où font elles leur toilette intime ? Et nos déductions sur la pudeur sont trop rapides. On arrive dans l'Orissa où les femmes ne mettent plus leur petite chemise sur le buste, laissant le voile du sari cacher le haut de leur corps. Ce voile qui tombe et retombe et qui les gêne souvent finit par devenir l'objet fétiche de l'expression de leur féminité et de leur grâce... et parfois les seins sont dehors et l'on s'en fout ! devant chez soi, en pleine rue ou au marché du village.

De dos
De dos

De face
De face

De profil
De profil

De trois quarts
De trois quarts

En fin de journée, un journaliste présent par hasard à notre arrivée nous interviewe. Nous sommes bien fatigués, ce n'est guère le moment, les questions-réponses sont un peu bâclées pendant que l'on démonte les bagages qui monteront dans la chambre avec les vélos. On monte les escaliers qui mènent à notre logement et l'on nous pose à nouveau les même questions ou équivalentes, mais en regardant bien, ce sont d'autres journalistes avertis par les premiers... Je m'en occupe et Christine s'active gentiment autour des vélos. Leur accent anglais est proche du mien, on ne se comprend donc pas trop mal... Lorsqu 'une troisième équipe arrive pour un troisième journal... cette fois, ils ne parlent pas anglais, mais un traducteur improvisé anglais/télougou donne la main. Et l'on refait un tour jusqu'à ce que tout le monde se détourne pour laisser passer... la quatrième équipe, qui cette fois, micro et camera en main, nous mettra dans les informations télévisées locales. Christine avec la fatigue en a marre, mais mon ego est tout flatté et je dois avouer que finalement ça ne me déplait pas !
Le traducteur nous invite à une réunion d'amis, que j'accepte en me demandant encore pourquoi, et Christine ne manque pas de me montrer les dents !

J'ai dû faire une erreur !
J'ai dû faire une erreur !

Quelle réunion d'amis !
En fait ce traducteur était chrétien et de surcroît curé. Chacun ses convictions bien entendu mais cette région habite bon nombre d'indigènes sans religion qui forcément titillent tous les petits missionnaires récupérateurs prêts à christianiser. Les Hindous n'ont pas bon oeil et disons même mauvaises dents contre ces gens là. Pour preuve, 9 ans auparavant, un missionnaire australien et ses deux enfants ont été retrouvés un matin brûlés dans leur voiture...
Après la douche et tenue correcte, nous partons en tuk-tuk et... terreur : en guise de réunion, nous arrivons à un podium installé dans un pré au milieu du quartier pauvre avec des micros à fond déversant des slogans religieux et convaincants. Qu'est-ce qu'on fout là ! La foule assise par terre et des chaises alignées latéralement pour les hôtes d'honneurs, curés divers, Christine et Eric. On ne sait vraiment pas comment s'en sortir sans choquer. On est littéralement récupéré comme exemples chrétiens occidentaux voyageant à vélo, comme des envoyés du ciel. Le curé veut nous présenter sur scène, comment s'en tirer ! Les minutes sont longues, exposés aux regards observateurs et les Hindous tout autour sont nombreux, mais 20mn plus tard, le dénouement est rapide. Le curé nous souffle dans l'oreille qu'il est temps de partir d'ici, mais pas par-devant, par-derrière et discrètement. Nous nous éloignons par de petites ruelles noires et sinueuses. Quelle soirée pimentée !

Le lendemain, avant de quitter cette ville, nous sommes invités au petit-déjeuner par plusieurs familles sympathiques dans leurs maisons de terre et de toit en chaume. On finit par s'arracher et l'on atteint les premiers parfums marins de la mer de Bengale, avec les marais salants où les femmes y travaillent à mains nues.

Le lagon Chilika
Puis un lagon superbe squatté par les crevettes mises en danger par les marées qui ferment les entrées d'eau salée avec ses bancs de sable. Le lagon Chilika est bien entretenu. Les canaux sont surveillés et recreusés artificiellement, et les berges sont consolidées par les femmes de la région. Les ballades du soir avec les pêcheurs sont un havre de paix, alors qu'en France les élections présidentielles battent leur plein.

Au couché du soleil
Au couché du soleil

Très sympathiques
Très sympathiques

La chaleur supportable mais déjà sérieuse nous pousse vers le nord. Les enfants restent à l'ombre dans leur transport scolaire et le travail dans les rizières est humide et difficile.

La petite ville de Puri est un endroit chouette pour y passer quelques jours. On loge dans une ancienne maison de maharadjah à 100m de la plage, pour 4 euros la chambre double. Les meubles en bois massif sont de l'époque coloniale et l'immense et unique table de la salle à manger sert de lieu de rencontres. Toujours en bout de table, Maia Demorest écoute bouche ouverte nos histoires de vélo. Elle est fascinée et déclare soudainement : "Je vais traduire votre site internet en anglais". On n'est pas sûr d'avoir bien entendu ! On n'est pas sûr non plus qu'elle évalue le boulot que cela représente... mais si, c'est sérieux ! Elle est de langue maternelle anglaise et française et traductrice de profession, installée à Paris. Nous avions depuis longtemps cette idée sans toutefois avoir le temps ni le courage de s'y lancer.

En compagnie de notre charmante traductrice, Maia
En compagnie de notre charmante traductrice, Maia

Nous suivons mon ombre et la police bengalie, accompagnés sur plusieurs km par deux jeunes filles rieuses

Ils ne nous ont même pas vus
Ils ne nous ont même pas vus

Arrivée à Kolkata (Calcutta) où nous ne restons qu'un jour et demi. Trop court pour se faire une idée juste mais les images distribuées par mère Térésa ou Dominique Lapierre ne sont plus celles d'aujourd'hui. Kolkata est une belle ville propre avec de grands espaces (maiden) pour jouer au cricket. Les anciens bâtiments coloniaux sont superbement restaurés et l'ambiance générale est agréable. Les bengalis aiment y faire leur sport favori en basket dans les grands parcs. Les rickshaw à bras bien contestés, symboles de cette ville, existent encore au grand bonheur des classes inférieures qui peuvent en vivre... ou en mourir. Les conducteurs s'en amusent aussi en organisant régulièrement entre eux des courses de vitesse.

Au vu d'un milliard d'habitants qui ne rêvent et n'idéalisent que modernisme et richesse, nous sommes fiers d'avoir été les amis de toutes ces classes inférieures qui se déplaceront encore longtemps à vélo : les pauvres. Nous leur avons suggéré qu'au klaxon de voiture, il ne faut pas forcément sauter au fossé, chacun sa place et son respect. Etre cyclotouriste, c'est être un peu naturellement l'ami de tous ceux qui vivent dehors avec peu de moyens, une sorte de grande connivence !
Il semble que plus il y ait de monde, moins il y ait de social et d'attention.
L'Indien est bruyant sans limite, à toute heure de la nuit.
L'Indien ne fait pas la queue, il pousse.
Il pisse et chie devant vous sur les bords de route.
Il ne regarde plus la pauvreté, ni son voisin.
Sont-ce des visions dont il ne faut pas parler ?

En Inde, on observe, on croit évoluer et l'on finit par douter et s'y perdre.
Sur un vélo de rando, on ne pédale pas, on pense trop !

L'Inde fût un pays de centaines de rencontres, mais Christine et moi avons envie de finir sur l'image journalière de tous ces enfants que nous avons vu jouer partout quelle que fût leur condition de vie...

ET L'INDE C'EST ENCORE TELLEMENT D'IMAGES DIVERSES...